11 août 2011

Kébabs et méchouis

Depuis quelques années, on a vu prospérer dans les villes de France une forme de restauration exploitée par des gens d’origine turque, arménienne ou grecque. Dans ces petits restaurants sont vendus des sandwichs carnés appelés kébabs ou shawarmas. Même si dans la langue turque actuelle le mot kebab signifie « viande (rôtie)» (kebap pour le sandwich lui-même), il trouve son origine dans l’arabe کباب /kabāb/ qui désigne aussi bien une « brochette de viande » qu’une « boulette ». Il est, comme le mot كبابة /kabābat/ « cubèbe, (Piper cubeba) » tiré de la racine كب /kabba/ « mettre en pelote » et voisin du mot kubbé, un plat arabe et plus spécialement libanais dont le nom كبة /kubbat/ signifie aussi « bobine de fil, pelote de laine ». La racine sémitique /*kab/ « rôtir » a donné le babylonien /kabābu/ « rôti » d’où provient certainement l’arabe /kabāb/.

sémitique /*kab/ « rôtir »

babylonien /kabābu/ arabe كب /kabba/

arabe کباب /kabāb/ arabe كبابة /kabābat/

kebab cubèbe, kubbé


En turc, le kubbé est connu sous le nom de içli köfte /ičli kœfte/ dans lequel le mot köfte « kefta, boulette » est emprunté au persan كوفته /kofteh/. Le mot persan lui-même provient de l’arabe كفتة /kufta/ dérivé de la racine كفت /kafata/ « ramasser ». Le mot kefta n’est en rien apparenté au mot caftan. Ce mot désigne un vêtement long qui prend des formes très différentes suivant les régions. C’est un mot persan خفتان /ẖaftan/ passé au turc kaftan üstlük « robe » puis à l’arabe قفطان /qufṭān/. On en trouve la trace jusque dans le russe кафтан /kaftan/.

La kefta est un mélange de viande hachée et de céréales telles que la semoule ou le boulgour qui est lui un mot turc (bulgur) emprunté au persan برغول /barġol/ ou بلغول /balġul/. Il est la base du taboulé moyen-oriental assez différent de celui que l’on prépare en France. Le mot taboulé est un mot arabe تبولة /tabūlat/ qui provient de la racine تابل /tābil/ « assaisonnement, épice ».

Il existe une grande variété de kébabs mais les plus courants en Occident sont les doners kébabs et les chiches-kebabs. Le döner « tournant » turc est l’équivalent du grec γύρος gyros et de son autre nom le shawarma qui est l’adaptation arabe شاورما /šāwārmā/ du turc çevirme /čevirme/ qui signifie « tourner ». Le mot şiş /šiš/ du chiche-kebab provient du turc /šiš/ « (à la) broche, brochette ».

La cuisson à la broche est un mode de cuisson que l’on retrouve jusque dans le satay indonésien ou malais sate. On a proposé une origine chinoise à ce mot et plus précisément le binôme 三叠 () du dialecte amoy /sate/ « trois empilées » (mandarin sān dié) mais ce n’est qu’une hypothèse.

Du Maghreb nous provient une technique de grillade que les Arabes nomment مشوي /mašūyy/ « rôti, grillé », mot que les Français ont repris sous la forme méchoui. Le patronyme Chaouat en dérive certainement dans le sens de « celui qui fait griller la viande ».

Le barbecue qui n’est qu’un méchoui en modèle réduit est un mot qui peut trouver son origine, comme son voisin barbaque, soit dans le roumain berbec « mouton » soit dans le mot taino des Antilles barbacoa « support pour grillade ».

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